Le désert. Une vaste étendue de sable qui ne dessinait son horizon qu’à partir de vagues incessantes provoquées par la chaleur. Et la chaleur était presque insupportable. Des brises tièdes venaient soulever des nuages de sable, pour brouiller la vue des imprudents. Un territoire plat, inutile, dont l’ambiance trop calme était presque effrayante. Personne n’y vivait. Personne…vraiment ? Yumee s’était postée à l’entrée de cette rivière sableuse aux vagues incessantes. Elle s’imaginait sans peine cette zone orangée qui s’étendait à perte de vue, comme un océan de grains rêches. Dans sa tête se dessinait déjà une esquisse colorée, gribouillée de faisceaux lumineux éclairants ça et là les rares failles rocheuses. Il n’y avait rien d’autre. Personne. Pas une once de végétation. Shindô était également là pour le lui dire. Mais inconsciemment, elle savait quelque part avançaient des gens. Des déserteurs. Des Karage. Un frisson parcouru son échine, lui provoquant une douleur supportable dans le dos. Il lui sembla alors que la cicatrice se réveillait. Elle brûlait à petit feu, consommant doucement le regret qu’aurait dû éprouver Yumee au moment de son bannissement. Elle aurait dû, dès son réveil, se plonger dans la perplexité la plus totale, songer à ce qu’elle aurait dû faire peu de temps avoir découvert sa blessure dorsale. Au travers de cette cicatrice, ils avaient voulu lui montrer qu’elle était une honte, un déchet du clan. Que désormais l’issue la plus probable de cette honte ne pouvait être que la mort. Elle avait eu le choix entre une vie douloureuse et un suicide rapide. Elle avait fait le bon choix.
Derrière elle, Shindô gronda. La nuit arrivait bien plus vite qu’elle ne le pensait. C’était un bon point. S’étant réfugiée dans les entrailles de ses souvenirs, elle n’avait pas vu le temps passer, si bien que son jeune compagnon avait dû attendre à ses côtés que la lune arrive lentement, amenant avec elle une once de fraîcheur. Tout deux attendirent encore quelques instants, et lorsque le ciel fut d’un noir intense, ils commencèrent à avancer prudemment dans le désert, suffisamment loin pour ne plus être vu du village, suffisamment près pour ne pas se perdre. Après quelques minutes de marches, Yumee s’arrêta. Elle tenait contre elle un sac mauve de taille moyenne, qui devait probablement contenir un objet particulièrement important. Et il l’était. Le jour de son arrivée à Suna, lorsqu’elle avait pu sortir de l’hôpital en compagnie de Shindô, les médecins lui avaient remis un étrange paquet, celui-ci ayant été retrouvé à ses côtés. Il comportait l’emblème du clan, une patte de loup griffue jaune sur fond noir. Une seule signature, celle de sa mère.
Yumee se mit à genoux sur le sol, posa son sac et en sorti un parchemin verdâtre, qu’elle déplia en partie. Une page blanche s’offrait à elle, attendant patiemment l’offrande risquée d’une goutte de sang et d’une incantation. Depuis qu’elle avait fait des recherches, la jeune aveugle avait comprit que ce parchemin était destiné à l’invocation d’un quelconque être, pouvant probablement lui être pratique lors de ses combats. Mais elle ne savait pas quelle chose elle permettait d’invoquer, aussi avait-elle décidé d’en faire l’essai seule, à l’abris des regards indiscrets. Shindô, son grand loup blanc, s’était posté à côté d’elle, surveillant ses gestes avec une attention perspicace : il était prêt à agir s’il venait à se passer quelque chose de grave. L’adolescente quant à elle se mit à malaxer son chakra, ses grands yeux voilés dirigés vers le parchemin ouvert. Ele porta un de ses doigts à sa bouche, se mordit. Elle posa ensuite sa paume sur la page blanche, puis écrivit son nom en lettres sanguinolantes. Le parchemin s’illumina immédiatement d’écritures noires scintillantes. Il y eu un bruit sourd, comme à l’arrivée d’un clone d’ombre, puis, plus rien, pendant quelques instants. Shindô quant à lui, s’était redressé et grondait contre l’être qui était apparu en face d’eux.
« Tiens donc ? Cela faisait bien longtemps que personne ne m’avait invoqué. Oh ? C’est toi qui m’as appelé ? Tu es aveugle ? C’est étrange que ce parchemin soit entre tes mains alors. Mais je suppose que je n’y peux rien… »
Yumee se releva, attrapant au passage le parchemin qu’elle roula avant de le serrer dans ses bras. Un air ébahi pouvait se lire sur son visage. Shindô s’entreprit à décrire l’être qu’elle avait invoqué. Il s’agissait d’un très grand renard roux, aux pattes noires, possédant un regard doré presque hypnotisant. Son pelage semblait soyeux, et il portait autour du cou un collier fait de feuilles fanées et de ronces. Pour couronner le tout, une rose noire -elle aussi fanée- ornait l’une de ses grandes oreilles. C’était un très bel animal, mais l’adolescente savait d’ors et déjà qu’elle devrait se méfier de lui.
« Laisse-moi donc me présenter, je suis Kuro, chef des renards. Tu dois quand même te demander mon utilité ? Etant donné que personne ne pourrait concevoir la force d’animaux comme moi. Maintenant que tu as signé ce parchemin, je peux t’expliquer ça, Yumee. »
La jeune aveugle frissonna, mais acquiesça d’un timide signe de tête.
« Bien. Je suis capable d’utiliser les ronces et les roses comme une arme à part entière. La Terre est notre élément, les ronces ma spécialité. Je suis intelligent, rapide et capable d’adapter ma force à tout type d’affrontement. Nous autre les renards n’aimons pas vraiment nous battre, mais il vrai que nous sommes une aide particulièrement efficace contre les ennemis. Nos tailles font de nous des êtres tout aussi adorables que dangereux. Et nous détestons être dérangés pour une simple mission de pistage, bien que nos flairs soient pratiques. Voilà, désormais tu sais tout, jeune ninja. Ne me parle pas de toi, on m’avait prévenu que tu allais m’invoquer un jour. »
Etonnée, Yumee adopta un air perplexe, toujours en restant muette. Elle aurait aimé pouvoir observer Kuro d’elle-même, voir à quel point il était beau et digne d’être un chef. Mais elle pouvait toujours prier, sa cécité serait toujours là pour lui barrer la route.
« Ah ! Et j’allais oublier. En signant ce parchemin tu as accédé à la possibilité de pouvoir invoquer n’importe quel renard de notre lignée. Moi, Kuro, possède les mêmes capacités que toi. Les autres sont tous différents, et moins puissants. Choisi bien ta dose de chakra, au risque de nous décevoir facilement… Bien, maintenant que tu sais tout, je te laisse libre arbitre vis-à-vis de ce parchemin. Au plaisir de te revoir, Yumee… »
Surprise, l’adolescente sortit de sa réflexion.
« Hé, attend un peu, comment est-ce que tu me connais ? Est-ce que Shizuna Karage t’invoque elle aussi… ? »
Mais il n’y eu pas de réponse, Kuro avait disparu dans un déluge de fumée blanchâtre. Shindô s’était avancé près d’elle, lui donnait des petits coups de museau rassurants au niveau de l’épaule pour réconforter ce mal qui semblait la ronger, mais il était tout aussi étonné qu’elle. Toutefois, un vague sourire s’étendait sur ses lèvres, illuminant son visage pâle d’une joie malicieuse. Désormais, elle savait ce que renfermait le secret de ce parchemin. Un renard ? Kuro avait l’air d’être puissant, et d’une agréable aide. Elle su dès lors qu’elle ne se séparerait plus de ce parchemin, car ces renards pouvaient être, en plus de Shindô, des yeux et une force incontournable. La jeune aveugle posa une main sur l’échine musclée de son compagnon, et fit demi-tour, en direction du village, pour se remettre de cette étrange rencontre.
Ven 9 Mai - 20:37